La nécessité, les situations d'urgence et parfois le choix, mènent les personnes africaines allosexuelles (queer) à traverser les frontières. Elles se retrouvent ainsi à vivre une nouvelle vie dans les espaces diasporiques. Les demandes d'asile sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre constituent 12 % de toutes les demandes au Canada, les personnes réfugiées allosexuelles africaines comportant le groupe le plus large dans cette catégorie. Dans ce contexte, nous devons nous poser la question : « de quelle manière écrira-t-on l'histoire de la collision entre, d'une part, les personnes réfugiées allosexuelles africaines disloquées des nations post-coloniales et, d'autre part, la nation colonne canadienne ? » Cette étude a effectué des entrevues qualitatives en profondeur afin d'explorer les expériences des personnes réfugiées allosexuelles africaines, abordant le réalignement complexe de l'orientation sexuelle, de l'identité sexuelle, de la politique autour de la sexualité, et du désir sexuel, qui a lieu de manière inévitable dans le cadre de la migration forcée et du processus de demande d'asile au Canada. La signification authentique de ces expériences de vie est captée dans les mots des personnes participantes, qui offrent des analyses détaillées et profondes des complexités marquant leur vie, leurs réflexions et les réponses qu'elles y apportent.
Ces récits soulignent des spécificités du contexte des personnes réfugiées allosexuelles africaines qui mettent à l'épreuve les limites de l'appareil homo-national actuel pour la protection des réfugiés. On interroge des enjeux telle la résistance face aux rôles sociaux, aux structures, aux identités et aux attentes sociales qui limitent les personnes réfugiées allosexuelles africaines et les maintiennent « à leur place », tant dans leur pays d'origine qu'au Canada. La construction des limites décidant qui appartient et qui mérite la protection au Canada, tout en décidant qui n'appartient ni ne mérite une telle protection, offre matière à une recherche en tant que pratique de la liberté, afin de contrer les discours d'envergure mondiale qui excluent les personnes allosexuelles africaines.
Les constats de cette recherche exigent qu'on regarde de près les pratiques d'exclusion et d'inclusion dans le système canadien de protection des réfugiés et les tensions qui émergent pour les personnes allosexuelles africaines qui demandent l'asile. À la suite de ce travail, nous comptons sur des stratégies pour investir le terrain de la politique de construction des connaissances et pour plaider pour un programme de justice et de transformation sociale pour les personnes allosexuelles africaines sur le plan mondial.