FR - An image of a Black woman chest up, looking straight at the camera. She has long brown braids and is wearing a dark green sweater with a long necklace and dangling earrings.

« Je compte mes bénédictions et je vais de l'avant », dit Paulette à propos de ce qu'elle a vécu jusqu'ici en tant que demandeuse d'asile. Depuis son arrivée au Canada en provenance de l'Afrique de l'Est il y a huit mois, Paulette a puisé en elle-même la force nécessaire pour continuer son processus dans le système d'immigration et se bâtir un nouveau foyer ici. 

Paulette s'est bien renseignée avant de venir au Canada et est demeurée réaliste quant à ses attentes. À son arrivée, elle a éprouvé un grand sentiment de soulagement de se retrouver dans un pays où les personnes LGBTQ ont des droits : « Au moment même de poser les pieds ici, c'est comme si on m'avait enlevé un fardeau d'une tonne, et je me suis sentie libérée de toute la pression que je ressentais auparavant, alors que je perdais le sommeil composant avec les émotions affectant les personnes queer. » 

Cependant, son parcours n'a pas été exempté de complexités particulières. Parmi les nombreux défis dans son processus d'établissement (dont l'isolement, l'adaptation au froid de l'hiver, et la quête d'une communauté), Paulette se rappelle combien il lui a été difficile, au début, de satisfaire même à un besoin si élémentaire tel l'accès à un logement. Son premier propriétaire était un homme âgé qui louait habituellement ses logements à des femmes immigrantes. Peu de temps après s'y être installée, il lui a dit qu'il s'attendait à ce que ses locataires le reçoivent le soir. Trouvant cela inapproprié et offensant, Paulette a fait ses valises et est partie. Cependant, elle a choisi de ne pas porter plainte contre le propriétaire, ne voulant pas attirer l'attention alors qu'elle attendait l'issue de sa demande d'asile : « Comme revendicatrice du statut de réfugiée, et queer de surcroît, tu as intérêt à bien choisir tes combats... C'était un sentiment affreux. Dans le ventre. Et tu te dis : bon, peut-être la prochaine fois. Mais cette fois-ci, je vais tout simplement laisser faire. »

Bien que Paulette ait réussi à trouver un nouveau logement grâce à l'aide d'un intervenant LGBTQ, elle se demande ce que deviennent d'autres femmes dans la même situation de vulnérabilité mais qui n'ont pas les moyens de partir. Sa participation à un groupe pour des personnes LGBTQ récemment arrivées a revêtu une énorme importance pour elle. Cela lui apporté non seulement des informations et des ressources utiles pour son parcours, mais également le sentiment de faire partie d'une famille, alors qu'elle est si loin de celle au sein de laquelle elle a grandi.

Paulette souligne que ces liens avec d'autres personnes immigrantes queer et le soutien d'un intervenant l'ont aidée au cours d'un processus d'immigration souvent impersonnel : « Ces gens te font sentir comme un être humain, et que ta vie a de la valeur. Alors que, lorsque tu passes par le processus, à l'intérieur de la machine, tu termines par te questionner quant à ta valeur comme être humain, car on ne te traite pas comme, "Bonjour, je m'appelle tel ou telle", mais tu es traitée comme, "Ah, oui : la clinique pour réfugiés". »

Paulette a aussi dû composer avec les préconceptions occidentales quant à ce qu'on devrait être et la manière dont on devrait agir en tant que personne queer. Ces demandes lui ont semblé déraisonnables, après avoir dû cacher sa sexualité la plupart de sa vie : « Nous sommes tellement nombreux à devoir cacher notre sexualité dans notre environnement d'origine. Ainsi, cette histoire de sortir du placard, d'allumer soudainement l'interrupteur... C'est comme : "Oh, on ne te voit pas agir comme les autres, tu n'es pas la personne queer typique..." Mais, je veux dire : c'est quoi la personne queer typique ? »

Devoir prouver que l'on a été persécuté en raison de son orientation sexuelle est non seulement stressant, mais comporte aussi des conséquences dans la vie de la personne. Se le rappelant, Paulette décide d'être ouverte à propos de sa sexualité lorsqu'elle interagit avec les autorités d'immigration ou dans les organismes d'établissement, reconnaissant que c'est justement une telle ouverture qui l'a attirée vers le Canada. Comme elle le dit : « Ce fardeau est désormais ma liberté. »

En réfléchissant à sa vie, Paulette se dit qu'elle a eu différents foyers : elle est née dans un pays, elle a grandi dans un autre, et elle a beaucoup appris de ces différentes cultures. Sa venue au Canada est dans la continuité de ce parcours personnel : « Il s'agissait de devenir moi-même et de m'affirmer pour moi-même, de manière ouverte. Ç'a été rafraîchissant... Tu vas de l'avant, tu penses à tout ce que t'as vécu et tu te dis, très bien : c'est encore un pas en avant; super, encore un autre pas en avant. »


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