Image de deux hommes bruns regardant droit vers l'objectif. L'un d'eux est assis, vêtu d'une chemise jaune à manches courtes, tandis que l'autre se tient debout derrière lui, vêtu d'une veste en cuir noir.

Lorsque Nico et Johan se sont vus pour la première fois à l'école, ils ont tout de suite compris qu'ils venaient tous les deux du même pays d'Asie. Vivant avec leur famille respective à Barrie, en Ontario, ils sont rapidement devenus bons amis. C'est dû en partie au fait qu'ils ont à peu près le même âge, et en partie au fait d'être tous deux au Canada depuis très peu de temps (moins d'un an). Mais, surtout, c'est parce que leurs expériences comme adolescents gais à leur pays d'origine et désormais ici au Canada ont une grande similitude.

Nico et Johan se sont sentis immédiatement très à l'aise l'un avec l'autre, mais il s'est avéré plus difficile de se faire d'autres amis. Les quelques autres personnes d'origine asiatique à leur école sont nées au Canada, si bien qu'ils sentent ne pas avoir grand-chose en commun avec elles. Et même s'ils s'ennuient de leurs amis dans leur pays d'origine et qu'ils veulent se faire de nouveaux amis ici, ils sentent que cela prend très longtemps. Nico dit : « Je me dis, attends. Attends pour les amis. Deux mois s'écoulent, et je me m'accorde encore du temps, puis ça ne fait rien. »

Parfois, d'autres jeunes à l'école semblent vouloir causer et peut-être même se lier d'amitié mais, lorsqu'ils demandent à Nico d'où il vient et comment il est arrivé au Canada, ils cessent de lui parler et s'en vont. Nico reste perplexe : « Dans ton propre pays, si tu parles à quelqu'un, c'est facile de devenir amis, de communiquer. Tu peux exprimer ce que tu ressens car tu connais le système là-bas, tu comprends ce que les gens disent. »

Ils ont du mal à se faire de nouveaux amis dans un nouveau pays et une nouvelle culture car ils ne sont pas encore à l'aise de parler en anglais : « Comme tout se passe en anglais, tu ne connais pas beaucoup de mots. Si c'est un anglais plus profond, peut-être qu'ils se moquent de nous, mais alors nous ne comprenons pas ce que ça veut dire. » (Nico) Ils craignent surtout d'être vraiment eux-mêmes auprès des autres et que, s'ils devaient dire à autrui qu'ils sont gais, ils ne seront pas acceptés : « Nous somme timides, nous sommes souvent nerveux, puis nous sommes gais. Nous sommes nouveaux à l'école et si les profs devaient l'apprendre, et si nos camarades de classe l'apprenaient... » (Nico) « Ils nous jugeront. Ils se moqueront de nous. » (Johan) « Et peut-être ils s'éloigneront de nous, et nous n'aurons pas d'amis. » (Nico) Contrairement à ce qui leur arrive ici, ils avaient beaucoup d'amis dans leur pays d'origine et ils se sentaient appréciés. Puisqu'ils comprenaient normalement ce que les gens pensent là-bas, et ce qui y est accepté, ils se sentaient aussi plus prêts à être ouverts à propos de leur sexualité : « Au pays, si les gens apprennent que nous sommes gais, ça ne leur fait rien, "tu es mon ami, nous t'aimons". » (Johan)

Nico et Johan craignent non seulement les attitudes homophobes qui pourraient les cibler, mais ils sont également préoccupés car leurs parents pourraient aussi être affectés. Les deux familles ont immigré au Canada pensant qu'il y aurait de meilleures opportunités ici, et ils sont très conscients que leurs parents travaillent fort pour leur offrir une meilleure vie. Nico et Johan ont chacun dit à leur mère qu'ils sont gais (bien que leur père n'en soit pas encore au courant), et chacun sent que sa mère est très encourageante. Mais, afin de protéger leurs parents, ils sont très discrets quant à leur sexualité : « Ici, tu as peur si quelqu'un te voit. Et qu'on puisse aller le dire à ta mère. Car [tes parents] travaillent fort juste pour prendre soin de toi. » (Nico)

De temps en temps, ils participent à un groupe de nouveaux arrivants, ce qui leur plaît. Cela fait du bien, de causer avec d'autres gens à propos d'expériences en commun en tant qu'immigrants. En même temps, cependant, la plupart des conversations tiennent pour acquis que tous les jeunes sont hétérosexuels, et ni Nico ni Johan ne sentent qu'ils seront un jour à l'aise de parler de leur homosexualité dans ce groupe.

À ce stade-ci, si peu de temps après leur arrivée au Canada, Nico et Johan ont de la difficulté même à imaginer ce de quoi aurait l'air un espace sécuritaire pour les jeunes immigrants queer. Mais ils savent à quoi ressemblent la sécurité, l'aisance et le sentiment d'appartenance à une communauté, pour les avoir vécus dans leur pays d'origine : connaître leurs voisins, se sentir acceptés par leurs amis, se retrouver dans un endroit où les gens se saluent dans la rue, parler la langue couramment et vivre parmi leurs sœurs, nièces, cousins et d'autres membres de la famille.


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